L’abonnement: vraie planche de salut ou miroir aux alouettes ?


Outre le “monde sans cookies” (relire notre billet), le webinaire “Modèle des médias en ligne: la maison brûle?” Organisé en novembre par l’agence française de média et contenus Story Jungle se penchait sur l’intérêt du modèle abonnement pour les médias en-ligne. Une vieille idée, un vieux modèle qui renaît de ses cendres? Une fausse bonne idée? Un modèle réservé à une “élite”? Tentative(s) de réponse…

Commençons par la dernière question l’abonnement pour la presse en-ligne, ça ne marche pas pour tout le monde?

Les débatteurs du jour – Gilles Prigent, patron de Story Jungle, Marion Wyss, chief marketing officer de l’éditeur de paywall Poool, et Benoît Raphaël, CEO et fondateur de Flint.media – se demandaient en tout cas que ”la réussite des uns – Le Monde, le New York Times qui affichent des hausses d’abonnés – ne masque pas l’échec ou la non réussite d’autres “marques” moins connues, plus jeunes, nettement plus modestes. Autrement dit, l’abonnement est-il réellement l’une des voies de pérennité ou, selon le cas, un recours pour lutter contre l’absence de rentabilité des “pure players”?

L’un des problèmes réside dans le fait que les “paywalls” et autres formules payantes se multiplient et qu’un lecteur, lui, ne multipliera pas ses abonnements payants.

Benoît Raphaël (Flint): « Celui qui est en tête récupère tout. Certes, les gens semblent prêts à payer. Mais le modèle [du New York Times, par exemple] n’est pas reproductible partout ailleurs. Même si cela semble marcher aussi pour Le Monde… qui est une marque média forte.

Les gens paieront un et un seul média fort et, peut-être, l’un ou l’autre média indépendant pour le soutenir… »

Son conseil: « Ne pas mettre tous ses oeufs dans le même panier. Il faut bel et bien mettre l’abonnement, de manière intelligente, dans le panier des revenus mais il faut clairement jouer sur la diversification. »

Autre souci: le taux de conversion, au niveau des abonnements, demeure faible. Grosse fourchette (à la louche) pour l’abonnement mensuel: 0,1 à 0,5% des visiteurs uniques.

Le taux de conversion est même en train de diminuer, en ce compris du côté des gros médias qui se demandent « tous les poissons auraient-ils été pêchés »?

Paramètre important à ajouter ici: le taux de désabonnement (ou de non renouvellement) qui est de 30% pour certains médias. Voire parfois du 100%, avec une désaffection totale des abonnés glanés par exemple lors d’offre d’essai.

A cet égard, une erreur souvent commise est de croire que quand on a accroché le lecteur avec l’offre d’essai, on est tranquille… « Ce premier mois est un mois de séduction », souligne Marion Wyss, sur lequel il faut optimiser l’effort de conviction. »

“La barrière au désabonnement fait aussi partie du modèle économique. Ce qui montre aussi la fragilité de ce modèle-là… ».

 

Raison pour laquelle, sans doute, certaines marques ont rendu le processus de désabonnement hyper-compliqué. Exemple cité? … Le Monde ! Il faut en effet en passer par… lettre recommandée papier ! “La barrière au désabonnement fait aussi partie du modèle économique ».

Le constat est donc fait d’une grande volatilité des abonnés. « L’engagement sur le long terme n’est pas encore suffisant ». Dixit Marion Wyss, chief marketing officer de Poool.

« Quand on est un petit média, on peut avoir un seul modèle. Parce qu’on a une audience qui vient pour le soutenir. »

 

Faut-il dès lors miser sur l’abonnement? Pourquoi un média qui ne fonctionne pas ainsi devrait-il le proposer? Selon Marion Wyss, la première question à se poser est celle de la “valeur”: « qu’est-ce que j’apporte de plus que les autres n’ont pas? » Par exemple, une excellence d’article, un service indispensable. Sinon, il y a un risque de churn très élevé…

Engagement et passion

Benoît Raphaël: « Ce qu’on oublie souvent, c’est que le grand public est très peu conscient des problèmes que rencontrent les médias. Mediapart doit surtout son succès au fait que les lecteurs soutiennent, apprécient cette « cause »-là. Idem pour le soutien au Gardian qui est engagé sur un certain nombre de causes. [Revenus du Gardian: 68 millions de livres de dons sur un chiffre d’affaires totale de 227 millions. De structurellement déficitaire, le Guardian est revenu bénéficiaire en 2019 grâce à son engagement pour une série de causes].

C’est ce qu’on appelle la “passion economy”.

« Comment arriver à un modèle de masse (scaling-up) ? Transformer vos journalistes en acteurs de la passion economy… »



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