Bagarre presse-plateformes. C’est reparti !


L’Australie hier. Le Canada aujourd’hui. Demain, d’autres pays? Sans doute.
La bagarre entre les “plateformes” – Facebook et Google, de manière plus spécifique – et les éditeurs de presse, par Etats interposés, à propos de la rétribution de la valeur de l’information (journalistique), cette grande bataille repart de plus belle.

En jeu? Un retour financier au profit des éditeurs et titres de presse pour tout signalement d’articles dans les flux Facebook et les résultats de recherche sur Google (ou autres moteurs de recherche, d’ailleurs).
Les plateformes n’en ont cure, citant et piochant sans état d’âme dans ces contenus. Et ils se rebiffent à la moindre perspective de se voir imposer un retour d’ascenseur.

Le bras de fer entre Meta et les autorités australiennes, en 2021, s’était réglé par un accord “à l’amiable”, la première finissant par verser quelques millions de dollars aux éditeurs.
Cette fois, c’est le Canada qui bombe le torse et tente de défendre son propre secteur presse. L’idée est de forcer Google et Meta à payer des droits de licence aux éditeurs et diffuseurs d’informations pour tout article signalé dans leurs résultats de recherche ou flux.

Le projet de loi C-18 (“Online News Act”) a fait réagir Google qui menace purement et simplement de snober les sources presse et de faire disparaître de tels articles des résultats de recherche. Même menace du côté de Meta – pour signalements sur Facebook et Instagram.

La façon dont Google voit les choses est évidemment colorée par les intérêts purement financiers qui sont les siens. La manière dont il défend sa position (c’est-à-dire son refus d’une quelconque rétribution) est éloquente. Voyez plutôt cette déclaration de la directrice générale de Google Canada: “When you put a price on linking to certain information, you no longer have a free and open web. Requiring payment based on linking encourages cheap clickbait, not quality journalism.” Euh ?!? Say that again ??

D’autres pays embrayeront-ils sur la mutinerie canadienne? Divers observateurs évoquent de possibles (nouvelles) confrontations en France, en Espagne mais aussi aux Etats-Unis où la proposition de législation “Journalism Competition Préservation Act”, qui n’avait pas abouti en 2022, pourrait être remise sur le feu. Eventuellement sous une nouvelle mouture.

Comme ce fut le cas en Australie, l’affaire pourrait se solder par un compromis. Avec malgré tout à la clé quelques millions de dollars ou d’euros pouvant prendre la direction des éditeurs et diffuseurs d’informations. Même si la crainte, exprimée par certains, est que – comme d’habitude, dirions-nous – ce sont essentiellement les grosses enseignes qui rafleraient la mise, ne laissant au mieux que des miettes pour les titres plus modestes et pour les indépendants.

D’autres observateurs font par ailleurs remarquer que forcer les plateformes à rétribuer tout signalement d’articles de presse n’est pas, en soi, une bonne chose pour la presse. Ils font en effet remarquer que ce serait, sous une forme différence cette fois, inféoder la viabilité de la presse à des moyens financiers venant de celles-là même qui sont déjà à l’origine de son appauvrissement.

Un sénateur canadien – et ancien journaliste – a ainsi déclaré : “It jeopardizes media’s independence. The idea that we can and should force two American tech giants to underwrite the independent news upon which Canadians rely is a logical and ethical fallacy.” 

Même son de cloche dans la bouche d’un ancien haut responsable de la Commission canadienne Radio-Television and Telecommunications: “The Bill C-18 would permanently entrench the industry’s dependency not on the loyalty of citizens, readers, viewers, but upon the good graces of politicians and the ability of offshore, quasi-monopoly tech companies to remain profitable.”

Dernière citation pour la route – en mode solution alternative. “Get Meta and Alphabet to pay their fair share of tax and, if you want to use tax revenues for programs to support the media sector and journalism, as long as you structure in a way the government doesn’t interfere with the media, that’s perfectly legitimate.”

Dixit Michael Geist, de la chaire universitaire Canada Research Chair in Internet and E-Commerce Law à l’Université d’Ottawa.

Retrouvez deux articles américains qui traitent du sujet: sur CNet  et sur le site du Columbia Journalism Review.  

Ou encore cet article publié sur le site de la Max Bell School of Public Policy (université McGill): “Bill C-18 is Bad for Journalism and Bad for Canada”



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