BuzzFeed a rendu les armes. Fait isolé ou signe d’autre chose ?


L’arrêt du média américain BuzzFeed News, après certes les périodes difficiles qu’avait traversées le média ces dernières années (avec plusieurs vagues de licenciements), est considéré par les observateurs comme le signe d’une tendance plus générale, plus profonde qui s’apprête à marquer le monde de la presse en-ligne. Ou, tout du moins, du concept de “journalisme social”, autrement dit cette alliance amour-haine entre médias en-ligne et réseaux sociaux.

Très tôt, BuzzFeed News avait misé sur l’exposition qu’offrent les réseaux sociaux, en particulier Facebook, réseau via lequel le média relayait, voire publiait des contenus originaux, tels que quiz et autres vidéos courtes se rapprochant plus de l’entertainment que de l’info, et ce, en complément de ses infos journalistiques qui passaient par son propre site.

Comme d’autres médias qui s’étaient largement appuyés sur les réseaux sociaux pour attirer et toucher un plus large public, les modifications apportées par Facebook à ses algorithmes, défavorisant progressivement le relais d’infos (les vraies) au bénéfice de contenus plus ciblés ou d’une toute autre nature, avaient eu un impact non négligeable. Le nombre de visites sur son site avait drastiquement baissé – d’un facteur 10, selon certaines analyses. Et ce, voici déjà trois ou quatre ans…

La “proximité” qu’a entretenue Buzzfeed News avec les réseaux sociaux (et bien d’autres médias), en dépit des dérives, du diktat et des effets journalistiquement pervers de ces derniers, avait pourtant soulevé bien des commentaires critiques. La question fondamentale, que chaque média se pose ou devrait se poser, est de savoir, comme le souligne un édit du Columbia Journalism Review, si le journalisme est compatible avec la notion de “trafic”, au sens contemporain du terme. Comme l’écrivait un collaborateur du New Yorker, “to live in traffic is to live under the rules of the platforms that run traffic”. Ou encore cette phrase d’un ancien collaborateur de BuzzFeed News: “The death of BuzzFeed News, Herrman adds, « drives home the absurdity of a marriage between the news media and a speculative tech industry that can only conceptualize it as either a threat or as food. »

Alors les médias, les journalistes, doivent-ils définitivement, consciencieusement, prendre leurs distances vis-à-vis des réseaux sociaux, les bouder comme relais? La question s’est à nouveau rappelée à notre bon souvenir ces derniers mois avec les remous suscités par le pilotage fantasque d’Elon Musk à la tête – et aujourd’hui encore en coulisses – de Twitter ? 

La réponse est difficile, ni blanche, ni noire. Cette réponse est ailleurs sans doute, nécessairement nuancée. Comme l’exprimait un autre journaliste américain (média Gawker), “it doesn’t mean that news and journalism shouldn’t be shared on social media. But it does mean that shareability shouldn’t be the entirety, or even the centerpiece, of one’s business strategy for news.”

Source: Columbia Journalism Review



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