Confiance en berne


Le thème central de la conférence annuelle du SPIIL (syndicat français de la presse indépendante d’information en ligne), le 25 novembre 2022, était la confiance. Celle que le public a ou n’a plus dans les médias…

Un constat : le taux de confiance du lectorat est en voie d’aggravation. Un problème qui vient s’ajouter à d’autres, naissants ou déjà bien présents, à savoir la « fatigue informationnelle”, la décision de certains de ne plus s’informer, le désintérêt pour l’info… 

Le phénomène de manque de confiance est mondial mais particulièrement présent en France où le taux de confiance est descendu à 29%, selon les chiffres 2022 du Reuters Institute. A peu de chose près au même niveau que celui enregistré aux Etats-Unis ou en Hongrie, alors que la moyenne mondiale est de 42%. D’autres pays s’en sortent mieux, voire même de manière assez exceptionnelle. Exemple typique, la Finlande qui fait figure de territoire rêvé avec 69% au compteur.

Pourquoi cette chute de confiance ?

Une série de raisons sont évoquées pour expliquer ce phénomène de manque ou perte de confiance – ou d’intérêt – vis-à-vis de l’info venant des médias de presse:
– des informations perçues comme non fiables et/ou non crédible
– un manque d’éthique (perçu ou réel)
– des biais idéologiques dont sont soupçonnés les médias
– un manque d’indépendance des médias (c’est notamment le cas en France où les actionnaires majoritaires sont souvent extérieurs au secteur), ce qui engendre un mauvaise perception et soupçon de connivence
– un manque de transparence
– la perception que les médias sont une composante intrinsèque de la crise qui touche les démocraties….

Selon le Reuters Institute, deux facteurs explicatifs majeurs sont souvent rencontrés dans les pays qui souffrent tout particulièrement d’un manque de confiance dans la presse: le rôle ou l’influence de la sphère politique et une polarisation des opinions ou positions (en tous genres). Deux cas cités en exemples: la chute de la confiance dans la presse au Royaume-Uni suite au Brexit et la méfiance de la droite américaine (au bénéfice des réseaux sociaux).

En France, le manque de confiance provient notamment, toujours selon les analystes du Reuters Institute,  d’une « sensation d’influence indue de la part des politiciens et de puissants acteurs économiques, plus que dans d’autres pays ».

Par ailleurs, les télévisions commerciales (TF1, CNews, 20 Minutes, BFM) souffrent d’un large manque de confiance, plus que dans d’autres pays, parce que perçues comme étant plus partisanes. Toutefois, la cote de confiance de titres emblématiques, tels que Le Monde, est elle aussi basse : elle n’est que de 49% pour Le Monde. « Dans d’autres pays, il atteindrait les 80% », estime le Reuters Institute. A noter que Mediapart n’obtient qu’un score de confiance de 44% et une code de défiance de 24%. Autre chiffres à titre de comparaison: cote de confiance du Figaro : 42% ; cote de méfiance : 22%.

A noter que les jeunes sont plus particulièrement méfiants, réticents, vis-à-vis de l’info journalistique. Explications proposées : des générations « nées avec les réseaux sociaux ; leur conviction que tous les médias « ont un agenda » ; ou encore une préférence pour les plates-formes de type « agrégateurs » qui jouent les intermédiaires, les passeurs voire filtres d’infos. Résultat ? « Le fossé se creuse avec les « marques » médias, avec lesquelles ils n’ont plus de contact ou d’adhésion directe ».

Reuters Institute: «  Le fossé se creuse entre gens engagés et non engagés, de même qu’avec les citoyens qui sont carrément en décrochage, volontairement, par rapport à l’info. »

Comment restaurer la confiance ?

Lors de la conférence du SPIIL, plusieurs intervenants ont tenté de proposer des pistes de solution pour combattre ce désamour, voire cette défiance et cette rupture avec les sources « classiques » d’info.

Parmi les pistes évoquées, la nécessité de « renouer avec les fondamentaux du métier « : investir du temps et de l’argent dans l’enquête, dans une présence sur le terrain ;  retravailler le sens de la proximité ; privilégier le journalisme “constructif” ou le journalisme de solutions ; expliquer comment la société civile apporte des réponses à des problématiques ; privilégier les modèles communautaires… « même s’il ne s’agit pas d’une recette magique ».

Ou encore impliquer le public en tant que co-créateur, à condition de le former.

Plusieurs de ces idées ne sont pas neuves, pas plus qu’elles ne sont réellement originales. Plusieurs semblent de simples évidences pour quiconque exerce le métier de journaliste…

Autre piste évoquée : l’éducation aux médias. Un remède qu’il ne faut pas limiter à un cadre trop traditionnel ou exigu (on pense souvent surtout à l’“éducation aux médias” en milieu scolaire). «  Il faut multiplier les lieux et les espaces d’explication ». Autrement dit, viser tous les publics – et pas uniquement les plus jeunes.



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