Métavers et journalisme désincarné: la prochaine étape de la rupture?


Les journalistes se risqueront-ils un jour à transposer leur environnement de travail, pour des interview, des reportages, des échanges avec leurs lecteurs et abonnés, dans le métavers? Le scénario semble plausible. Même s’il faudra alors revoir, redéfinir, repréciser les “codes”. Comment, par exemple, démontrer la crédibilité de ce qui s’y dit ou s’y déroule si le virtuel a remplacé le réel, si les individus se cachent derrière des avatars?

Par contre, ce qui risque de voir le jour, ce sont des espaces virtuels créés par des médias, des éditeurs, proposant des “expériences” interactives nouvelles avec leur audience. Pour créer de nouvelles “zones de contact”, dans des univers décalés. Que ce soit dans des finalités clairement commerciales et consuméristes, soit pour divertir, faire découvrir de nouvelles choses. Dans un article intitulé “Le métavers, le journaliste et la réalité de synthèse”, Olivier Mauco, enseignant à Science Po (Paris) et président de Game in Society, une agence française de conception et production d’“expériences ludiques”, évoque déjà la perspective de “parc d’attractions” médiatiques ou de “musées de l’information”.

De manière plus fondamentale, il s’y interroge sur l’identité, le profil, de la source d’information ou de l’auteur d’une “information” dans ce monde virtuel où l’ectoplasme 4.0 peut être n’importe qui – une interrogation-clé, bien au-delà de celles qu’on a déjà pu avoir sur le témoin-citoyen, le lec-acteur…

Que sera encore l’information dans les métavers (question largement dépendant de l’identité du créateur/fournisseur de cet univers virtuel)? Sous quelle forme se manifestera-t-elle? “Plutôt que d’être stockée dans un média, l’information devenue signe distinctif sera littéralement portée par un individu participant à plusieurs communautés. Pour lui, l’information est un asset, un élément parmi d’autres, de mise en scène de soi, une marque dérivée jusqu’à la notion de signe distinctif et d’appartenance pour une expérience optimale.”

[…] Toute l’économie […] de la constitution de communauté de lecteurs risque d’évoluer vers les plateformes capables de monétiser la participation de chacun, changeant les métriques de mesure de fréquentation. […] L’accélération de la circulation infinie des informations que l’on observe déjà sur les réseaux sociaux devient un levier de marchandisation et de diffusion. Le bon mot du troll prendra en valeur dès qu’il se transforme en un mème soutenu par des groupes sociaux structurés. Si chacun monétise son commentaire avec l’espérance du gain comme moteur de production, comment faire pour émerger face au flux de production de signes à l’écran ?

Autre de ses réflexions en mode interrogation quasi existentielle pour le journalisme: “La fabrique de l’information journalistique invite à penser de nouveaux formats, et à consacrer l’esthétique, le beau comme nécessité pour toucher et informer. Car il y a fort à craindre que l’information pure et rationnelle ne suffira plus, et que l’information belle (sensible) ou co-produite (interactive) soient les nouvelles normes du métavers, et dépasse la question de la vérité observée.

[…] À supposer que ces réalités de synthèse soient des fictions incarnées en 3D, que pour fréquenter ces fictions il soit nécessaire d’adopter les codes, us et coutumes de ces organisations, de se conformer à leurs esthétiques, comment le journaliste peut-il exister sans être en dissonance ?”

Découvrir le texte complet de l’article d’Olivier Mauco sur le site Méta-Média.fr.



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