Mouvement généralisé des réseaux sociaux vers la rémunération de (certains) contenus: bonne ou mauvaise chose?


Certaines plates-formes spécialisées dans l’hébergement et la diffusion de blogs ou de newsletters (du genre Substack) mais aussi des réseaux sociaux tels que TikTok, SnapShat et YouTube ont ajoutés, quasiment en choeur, une nouvelle fonctionnalité à leur catalogue. Fil rouge: la monétisation.

Prenons l’exemple de YouTube. Son Shorts Fund, un fonds doté de 100 millions de dollars, se propose de payer certains créateurs de vidéos courtes. Et c’est YouTube qui décide de qui aura droit à cette manne puisque “le site contactera directement les profils dont les vidéos ont dépassé certains niveaux afin de les récompenser pour leurs contributions.” “Certains niveaux”. Voilà évidemment ce qui intéresse YouTube.

TikTok avait devancé YouTube en créant lui aussi un fond (de 200 millions) “pour aider les créateurs ambitieux qui recherchent des opportunités de gagner leur vie grâce à leur contenu innovant.”

SnapChat et Instagram (qui fut le premier de cordée, dès 2020) ont des pratiques similaires. Twitter, lui aussi, vient de se mêler à la chorale, en dévoilant une “tip jar”, devant permettre à des « followers » de rémunérer les auteurs de tweets en versant un “don” dans cette “boîte à pourboires”.

Les médias, les journalistes mordront-ils à l’hameçon?

Le but, tel qu’annoncé, est de récompenser les plus “productifs”. Mais bien entendu les fidéliser aussi au réseau social ou à la plate-forme concernée, augmenter le “trafic” et, dès lors, les potentiels de monétisation pour lesdits réseaux sociaux ou plates-formes. Rien de neuf sous le soleil. Un nouvel outil, une nouvelle corde vient simplement de s’ajouter à leur attirail.

Mais n’y a-t-il réellement “rien de neuf sous le soleil”? Bien sûr que si. Car, ne nous voilons pas la face, il y a là un nouveau risque de dérive potentielle. Un nouveau brouillage de cartes dans la jungle de l’Internet où la perception que l’on a des productions et pratiques journalistiques risque de se diluer de devenir encore moins discernables.

La question à se poser est en effet la suivante: verra-t-on les médias et les journalistes prendre ce train en marche pour espérer glaner quelques rétributions qui ne leur viennent pas par des canaux plus classiques? A quel prix (dans tous les sens du mot)?

Une fois de plus, les “majors” de l’Internet semblent vouloir s’approprier une démarche qui pourrait certes rapporter quelques menue monnaie aux journalistes qui décideraient de s’y prêter mais qui risque fort de grever encore davantage les chances des médias et journalistes pure player de “monétiser” eux-mêmes, en direct de leurs publications, les fruits de leur dur labeur. Sans parler du dévoiement potentiel du type de contenus qui seront ainsi “récompensés”. Un risque qui vaudra la peine d’être suivi de près…

Le “tip jar” de Twitter ne cache d’ailleurs pas ses intentions puisqu’aussi bien les journalistes figurent en bonne place dans la liste des profils de personnes qui ont l’honneur de figurer parmi le “groupe limité” de twittos qui peuvent, en poissons-pilote, bénéficier de cette nouvelle fonctionnalité. Pour l’instant, seuls les Anglophones peuvent verser leur obole dans la “tip jar” mais nul doute que les frontières linguistiques disparaissent à terme…

Twitter prépare par ailleurs une autre fonction: des “abonnements payants pour les comptes favoris des utilisateurs, avec des avantages et privilèges pour les abonnés”.



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