TikTok, “the new place to be” pour les journalistes ?


Avec Facebook et Twitter en perte de vitesse, de plus en plus de médias décident de se lancer sur le réseau social chinois TikTok. Le très sérieux Wall Street Journal est l’un des derniers exemples en date. Le but ? Chercher à atteindre et à engager la jeune génération. D’autant que, selon la dernière enquête de l’Institut Reuters, 15% des jeunes de 18 à 24 ans qui utilisent régulièrement l’appli TikTok le font pour s’informer. La tendance est sensiblement la même du côté dew la tranche d’âge suivante (25-34 ans) : 30% fréquentent régulièrement TikTok et 10% de ces assidus le font pour se tenir au courant de l’actualité.

Avec plus de 600.000 abonnés gagnés en moins de trois mois, le Wall Street Journal démontre-t-il qu’il y a une place pour les médias historiques sur TikTok, plateforme initialement dédiée aux divertissements?

TikTok, de la même manière que Twitter, peut aussi représenter un tremplin pour les journalistes désireux de se faire connaître, eux et leurs projets, auprès des utilisateurs.

Si l’on en croit les prédictions pour 2023 du laboratoire du journalisme de Harvard, les professionnels seront d’ailleurs de plus en plus incités à s’afficher sur TikTok.

Visibilité, confiance, transparence – autant de défis à relever

Les intérêts de la presse sont plus multiples que jamais : développer une relation avec le jeune public en tant qu’individus mais aussi « redorer » l’image ou la perception qu’a le public, plus particulièrement sans doute le public jeune, des médias.

La confiance est en berne. Comment la restaurer? Cela passe, selon nombre d’observateurs par davantage de transparence sur ce qu’est et ce à quoi sert le travail de journaliste et par une “humanisation” du travail journalistique. Rendre la profession plus transparente passe par une mise en lumière des coulisses de la création de l’information. De quoi (re)gagner la confiance du lectorat.

En parallèle, pour en revenir à TikTok comme nouvel “outil” des médias, cette transparence et vision plus directe sur les coulisses du métier, exposée via TikTok, devraient inciter l’utilisateur à s’abonner au compte TikTok du titre pour lequel le journaliste collabore. En clair, ce qui attirerait les gens sur la chaîne du média, ce sont les personnalités que l’on trouve derrière, et non plus seulement le nom du journal, aussi réputé soit-il. Un raisonnement déjà tenu, d’une manière générale, sur l’effet indirect d’une présence personnelle sur les réseaux sociaux, quels qu’ils soient, ou de la tenue d’un blog (lui aussi personnel)…

Un réseau social inadapté au journalisme ?

Pour autant, TikTok n’est pas un réseau social pensé – tant dans son fonctionnement que dans son ton – pour diffuser des actualités. D’après les journalistes interviewés par Reuters Institute sur le sujet, diverses solutions pourraient être mises en place par TikTok pour mieux adapter la plateforme à la profession. 

Une première piste serait de mettre davantage en avant les contenus d’actualité de qualité. Pour l’heure, de nombreux comptes de médias et de journalistes ne sont toujours pas certifiés par TikTok. 

Par ailleurs, la plateforme devrait, à l’avenir, mieux informer des raisons des blocages ou de suppressions de vidéos. A titre d’exemple, les contenus en lien avec des manifestations politiques, considérés comme d’intérêt public par les journalistes, sont parfois censurés par le réseau social qui juge ces images « violentes ». Problème de culture, d’éclairage politique – n’oublions pas que TikTok est chinois… 

En coulisses ou en sous-main, il y a toujours les intérêt de l’Etat – qui est celui du parti communiste chinois, avec toutes les dérives et les périls que cela implique. Dernier exemple en date, l’admission – par la maison-mère de TikTok (ByteDance) que ce qui a été publié sur la plateforme a été utilisé afin de tenter d’identifier les sources d’informations de journalistes (!) pour des « fuites d’informations » concernant l’entreprise. Nous vous avions relayé l’information sur notre fil Twitter. https://twitter.com/abipp2/status/1606230891747020806?s=11&t=Pi7NBM4oFmABdQpQeFquWg

Une autre solution pour améliorer l’usage de la plateforme TikTok pour les médias serait de perfectionner les outils statistiques, afin de mieux analyser l’engagement du public, et d’ainsi optimiser le contenu mis en ligne. Enfin, il reste la question épineuse de la monétisation des publications. Les médias et les journalistes ne touchent actuellement pas un centime de la valeur générée par la diffusion de leurs contenus, pourtant bien utiles pour produire du trafic sur la plateforme. 

Si TikTok est un outil intéressant pour démystifier la profession auprès du public, et représente une chambre d’écho pertinente pour les rédactions en quête de nouveaux publics, on ne saurait passer sous silence le fait que ce réseau social présente, comme tous les autres, de nombreux travers en matière de diffusion de l’information.

Article à suivre: “Les médias multiplient les stratégies pour exister sur TikTok”

Sources : 

« How The Wall Street Journal hopes to reach young news consumers on TikTok » de Sara Guaglione dans Digiday

« Les 6 prédictions médias 2023 du Nieman Lab » de Alexandra Klinnik et Kim Dommergue dans Story Jungle

« TikTok personality journalists continue to rise », de Jaden Amos dans Niemanlab.org

« Les 5 points à retenir du dernier rapport du Reuters Institute sur TikTok », de Laurie Chappatte dans l’Observatoire européen du journalisme – EJO

« How publishers are learning to create and distribute news on TikTik » – Reuters Institute.



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